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Testi di J.-Christophe Blaser
Publisher Note
Publié à l'occasion de l'exposition: "Nicolas Savary: architectures, fictions", Musée de l’Elysée, Lausanne, 2000; Lauréat Prix culturel Manor Lausanne 2000
Ces images ont été réalisées entre 1997 et 2001 à l’aide d’une camera obscura (stenopé). Elles évoquent divers espaces dont la nature est ambiguëe. Salles de sport, foires commerciales, maquettes ou zoos, ces environnements aménagés bousculent les échelles et les renvois au réel.
Le sténopé est l'un des plus vieux procédés de fabrication d'images. Simple boîte noire percée d'un trou minuscule, il permet de capter un reflet du monde extérieur. Pour fixer ce reflet et en faire une photographie, de longs temps de pose sont nécessaires. La rusticité de la technique peut paraître un handicap. Dans certains cas, il est neanmoins possible de tirer parti de ce défaut. Nicolas Savary a tente l'expérience. Il s'est servi du sténopé pour mener une réflexion sur le temps et son action, qui s'est traduite après coup par la création d'élégants paysages. Les longs temps de pose, objet de son intérêt, ont eu pour résultat de vider de leurs occupants les jardins zoologiques et les foires commerciales dans lesquels l'artiste avait installé son appareil. Ils ne restaient pas assez longtemps immobiles pour que leur trace put être enregistrée. Bref, un monde étrange, crépusculaire, a surgi en marge de la réflexion, si fascinant qu'aujourd'hui il éclipse celle-ci a nos yeux. Est-ce a dire que le contrôle de la réception de l'oeuvre aurait totalement échappé a son auteur? Et si le malentendu était devenu l'enjeu du travail? S'il était délibérément cultivé? Des incertitudes entourent le projet de Nicolas Savary, qui s'expliquent peut-être par la présence au coeur de ses préoccupations d'un ‘principe fondamental’ de l'art de notre époque: le décept.
Le mot peut être compris de différentes manières.
Soit on s'attache a ses consonances anglaises, et le décept évoque quelque chose de trompeur, dont les apparences ne correspondent pas a la réalite. Ainsi tout porte à croire que le choix du sténopé par Nicolas Savary est dicté par des considérations archéologisantes (remonter aux premiers âges de la photographie) ou primitivistes (recrouver les charmes d'un procédé ancien). Mais il n'en est rien. Il n'y a aucune nostalgie chez lui. S'il est fait usage du sténopé, c'est par pur opportunisme, pur utilitarisme, parce que c'est un moyen simple et efficace de faire de l'art. Bien qu'il se serve d'une machine rudimentaire, Nicolas Savary partage à bien des égards les présupposés de ceux qui aujourd'hui entendent déléguer a l'ordinateur la mission de produire des oeuvres: il s'agit de laisser faire - ici le temps et le hasard - de ramener l'intervention humaine au minimum. On mesure l'écart qui sépare cet art de ‘basse intensité’ des ambitions qu'on était près de lui préférer, et du même coup l'ampleur du malentendu, la portée ‘déceptive’ de la demarche. Sans compter que l'artiste laisse entendre qu'il travaille avec des matériaux visuels (angles de vue) alors qu'il procède à partir de données temporelles (longs temps d'exposition) dont il enregistre les effets.
Soit on s'en tient au francais, et le décept s'apparente à la déception. Le choix du sténopé, dans ce qu'il a de primitif, se révèle alors particulièrement judicieux. Le resultat ne peut que paraître maladroit, grossier et par consé¬quent décevant. Si la précarité du procédé semble obéïr aux principes d'un art de ‘basse intensité’, il apparaît tout aussi logique qu'elle débouche sur la déconvenue. Il ne faudrait pas en déduire cependant qu'une telle issue est involontaire. Le décept s'impose actuellement comme une véritable méthode de travail, dans une configuration ou les artistes jouent avec les attentes du public, les exacerbent, les contrarient ou les frustrent même carrément selon les circonstances. Contrairement à ce qu'on croit souvent, ces stratégies n'ont pas grand-chose a voir avec la provocation qu'elles ont supplantée au profit d'une véritable réflexion sur les relations unissant l'art et Ie spectateur et d'une volonté d'impliquer ce dernier dans l'oeuvre. Le travail de Nicolas Savary ne leur est pas étranger. La photographie a constitué - et continue de constituer - le refuge d'un public souvent aussi avide de beauté, de sens et d'histoire que méfiant vis-a-vis des expériences d'une partie des artistes contemporains. Or ce public se voit ici opposer une résistance: souvent sombres, floues en certains endroits, les images n'ont pas l'évidence qu'on est en droit d'attendre de photographies. Toutefois leur particularité, leur interêt tiennent surtout a ce qu'il y est fait un usage ironique du décept.
Normalement le décept oblige a retourner en decà de l'oeuvre pour considérer le processus dont elle est l'aboutissement. Un travail de reconstitution auquel on est souvent contraint par le caractêre problématique de ce qu'on a sous les yeux (dessin chiffonné, rendu illisible, photographie grattée, en partie effacée). Ou alors, autre cas de figure, le spectateur est invité a examiner des projets sous forme de plans et de maquettes. Pour le reste, a lui de se débrouiller. Il est mis en demeure d'imaginer seul le résultat final. Mais il ne se produit rien de tel avec Nicolas Savary. Ses photographies ont beau avoir été fabriquées avec des moyens sommaires, ne pas être toujours d'un dessin très précis et baigner dans la pénombre, elles n'en sont pas moins séduisantes, suggérant même paradoxalement une certaine forme de sophistication. L'oeuvre ne se dérobe ni par son caractère ‘raté’ ni par son absence. Il est possible d'en rester là, de s'en tenir a la première impression. La frustration n'intervient que dans un deuxième temps, si l'on décide de s'intéresser à la démarche entreprise par l'artiste. Car c'est à cette dernière que le décept s'applique, et non plus au résultat. Le spectateur découvre qu'elle repose sur une construction aléatoire - laisser faire le temps et le hasard - d'où ont été écartés le métier, la maturation en atelier, l'étude, la culture artistique, etc. Des lors, il lui est loisible d'entrevoir a quel point ce sur quoi il fondait le succès de son expérience de l'art, à savoir la prise en considération de tous ces éléments, leur reconnaissance est somme toute accessoire et quelquefois peut-être même inutile.
Nicolas Savary a donc miné le terrain, insinuant le doute en amont de l'oeuvre, introduisant le décept au coeur du processus artistique. Celà lui a permis de décaper certaines couches superflues enrobant l'expérience esthétique, en s'aidant de la photographie.
Publisher | |
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Release Place | Losone, Switzerland |
Release Date | 2000 |
Credits |
Editor:
Artist:
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Identifiers |
ISBN-13:
9782883500002
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Work | |
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Subform | Photobook |
Methods | Photography |
Language | English |
Object | |
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Format | Paperback |
Dimensions | 20.0 × 24.0 cm |
Weight | 3,000 gram |
Interior | |
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Pages | 48 |
last updated 1555 days ago
Data Contributor: Artphilein Library, Choisi Bookshop
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